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Comment ma fille a été approchée par des pédophiles sur Tik-Tok et Snapchat

Par Olivier - Mis à jour le 19 avril 2024
une enfant est allongée sur le canapé avec son téléphone. Elle est sur Tik-Tok et Snapchat

En séduisant les enfants, Tik-Tok et Snapchat sont aussi devenus des repères de prédateurs pédophiles. Découvrez le témoignage glaçant d’Isabelle.

Sommaire

En surfant sur ce que les enfants aiment et en flattant leur égo, Tik-Tok et Snapchat ont réussi à conquérir une cible très jeune. Mais ils sont aussi devenus des repères de prédateurs, dangereux et difficilement identifiables. D’où l’importance de mes protéger, notamment en installant des contrôles parentaux.

Isabelle en a fait l’amère expérience. En offrant à Marie, sa fille de 10 ans, un smartphone pour assurer sa sécurité en lui permettant de garder le contact avec ses parents lorsqu’elle est seule après l’école, elle venait – sans l’imaginer et malgré elle – de la mettre en danger.

Glaçant, ce témoignage doit tous nous faire réfléchir sur les risques encourus par nos enfants sur les réseaux sociaux. Ils pointent aussi – de manière indirecte – l’énorme responsabilité de ces géants du web qui préfèrent pour l’instant fermer les yeux sur l’activité de leurs utilisateurs. Quitte à ce que des enfants en payent le prix.

Pédophilie sur Tik-Tok et Snapchat : le témoignage d’Isabelle

Marie va passer en cm2. C’est une petite fille sérieuse et responsable pour son âge. Elle a toute ma confiance. Voilà maintenant près d’1 an qu’elle rentre de l’école à pied avec son petit frère. Le rituel est toujours le même :  un petit coup de téléphone à partir du téléphone fixe, une fois arrivé à la maison.

Tout allait bien jusqu’au jour ou des problèmes de ligne font qu’ils ne m’appellent pas. Les minutes passent, l’angoisse aussi. Le téléphone sonne : « Maman, on t’appelle de chez le voisin, car le téléphone ne marche plus ». Ouf, ils sont bien rentrés.

Avec mon mari, on avait dit que Marie aurait un téléphone portable à sa rentrée en 6ème mais cet événement m’incite à lui en prendre un avant. Je décide de lui en parler. Pour lui, elle est trop jeune, il veut bien qu’elle ait un téléphone, mais pas de smartphone. Marie, elle, veut un smartphone. Parce que c’est la honte de sortir un vieux téléphone pourri devant les copines. Et puis, elle veut faire des photos avec ses amis. Et, dans le fond, moi aussi je veux qu’elle ait un smartphone pour me rassurer en utilisant la géolocalisation. Je trouve une super promo. J’appelle mon mari qui me dit « tu fais comme tu veux ». Ok, pour moi j’ai son feu vert. J’achète donc le téléphone.

« Elle a droit à un cours magistral sur les dangers des réseaux sociaux et d’internet en général »

Je suis une maman qui parle beaucoup avec ses enfants. De tout. Bien sûr, avant de prendre en main son téléphone, elle a droit à un cours magistral sur les dangers des réseaux sociaux et d’internet en général.

Les règles sont claires : interdiction de donner son adresse, son nom, sa ville et ne jamais envoyer une photo d’elle. Je lui explique que des adultes pourraient se faire passer pour des enfants de son âge pour lui demander des photos, son adresse. Que, dans la confidence, elle pourrait leur indiquer lorsqu’elle est seule à la maison et qu’au final ce ne serait pas ses « amis de 10 ans » qui se pointeraient, mais « de gros, vieux bonshommes » qui pourraient lui faire du mal. « J’ai compris maman » me répond-elle.

En complément, je décide d’installer Family Link, une application de controle parental pour gérer son temps d’utilisation et garder un œil sur son activité.

« Il n’y a rien à craindre si tu mets ton compte en privé »

Repas de famille : Marie, fière, montre son téléphone à sa cousine. Elle n’a que Snapchat. On aime bien s’envoyer des petites photos avec les filtres. C’est marrant. Et puis, il y a la famille sur Snap. Tata lui parle de Tik-Tok (moi je ne connais pas du tout). Elle veut que je lui installe, car sa cousine fait des vidéos. Ma belle-soeur me soutient que c’est sympa : « et puis il n’y a rien à craindre si tu mets ton compte en privé ». Devant l’enthousiasme de ma poupée, je me laisse tenter. C’est sympa de faire des petites vidéos drôles en musique. D’ailleurs, pendant les vacances d’été, on en a réalisé tous les 5 pour les envoyer à nos familles.

Régulièrement, j’inspecte le téléphone de Marie : messages, Snapchat, Tik-Tok et photos. La rentrée arrive. Tout se passe bien. Mais je me rends compte que Marie passe de plus en plus de temps sur son téléphone à faire des vidéos Tik-Tok. Je me dis qu’elle a que 10 ans, que c’est de son âge de faire des chorés et de les partager avec ses copines. Assez rapidement je m’aperçois qu’elle a obtenu plus d’abonnés qu’au début. Quand je lui demande qui sont ces personnes, j’obtiens toujours une explication :  c’est la copine de la copine de ma cousine, lui c’est le cousin du copain d’une copine…

Je la mets alors en garde, en lui demandant de supprimer ces contacts qu’elle ne connait pas. « Oui, mais Maman, ils ont mon âge. Si je les supprime, j’aurais moins d’abonnés donc moins de likes ». Après tout, elle ne fait rien de mal et je vérifie souvent.

« Coucou tu es trop belle, as-tu un copain ? »

Un jour, je m’aperçois qu’un garçon de « son âge », Pablo, poste un commentaire sur une de ces vidéos : « Coucou tu es trop belle, as-tu un copain ? » J’interroge Marie à son sujet. Elle m’indique ne pas le connaitre. Devant son insistance, je lui demande de le supprimer.  Le temps passe. Je continue d’inspecter son téléphone, mais moins souvent, car je ne relève rien de spécial. Jusqu’à ce fameux dimanche soir…

Dimanche soir, on couche les enfants : le rituel, le câlin et dodo. C’est la reprise pour tout le monde : les enfants retournent à l’école « comme avant » après plusieurs semaines de confinement. Et papa commence un nouveau travail.

22h, je me dirige vers les chambres. Je regarde dans la chambre de n°3, il dort. Idem pour n°2. Marie, elle, cache quelque chose sous sa couette. Son téléphone. Je lui remonte les bretelles et m’aperçois que Family Link ne fonctionne pas correctement, car, à cette heure, son appareil aurait dû être bloqué. Je lui confisque en râlant et me dirige vers ma chambre.

Je me pose, je regarde mon téléphone avant de jeter un œil au sien. Messages : RAS. Photos : RAS. Snapchat : une conversation avec Pablo… Je regarde, je remonte le fil de la conversation et je tombe sur une vidéo de ma fille, mon bébé en train de se toucher le sexe !

Mon sang se glace, mon coeur s’arrête et je saute du lit pour aller dans sa chambre. J’essaie de contenir mes larmes, de ne pas crier. Je lui montre la vidéo et lui demande une explication. Elle fond en larmes et me supplie de ne rien dire à son père. Elle tente une explication en chuchotant. Je n’en capte que quelques mots tant le choc est immense.

Mais qu’est-ce que j’avais mal fait pour la protéger ? Il y avait pourtant ce logiciel auquel je faisais confiance. Je décide de ne rien dire tout de suite. Je me couche et relis toute la conversation depuis le début. Monstrueux !!!

« Il propose alors de lui donner 100 abonnés sur Tik-Tok »

Ça commence par des banalités : l’école, le sport. Il propose alors de lui donner 100 abonnés sur Tik-Tok, puis 200 abonnés si elle lui donne une photo d’elle en pyjama. Et on arrive à cette fameuse vidéo…qui vaut 500 abonnés. Ce Pablo lui donne des instructions bien précises. De celles qui laissent penser que ce n’est pas un coup d’essai. J’ai envie de pleurer et de hurler. Mon coeur de maman saigne. Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit.

Le lendemain matin, j’attends le départ de mon mari pour réveiller ma fille et obtenir des réponses à mes questions. Elle me répond assez spontanément. Mais je la sens gênée. Elle est prostrée. Elle a honte et reste en foetus dans son lit.

Dans la nuit, je change les codes de l’ordinateur et de la tablette. J’indique aux enfants qu’ils n’auront plus accès à internet sans surveillance. N°2 (8 ans) ne comprend pas trop, car on le laisse d’habitude regarder des dessins animés. On en reste là et je les dépose à l’école. Marie est renfermée et ne dit rien. Elle se place dans son rang et affiche une mine triste.

Quant à moi, je mets mon « masque » pour me rendre au travail. Les collègues voient bien qu’il se passe quelque chose. Je leur explique. Ils m’invitent à porter plainte. Avant, il faut que j’en parle à mon mari. J’ai besoin qu’il me rassure. Je l’appelle donc sur sa pause de midi et lui explique la situation. Sa réaction est dure : « c’est de ta faute, c’est toi qui voulais qu’elle ait un smartphone, moi je ne voulais pas, regarde où on en est maintenant ». Je reste abasourdie. Oui, c’est de ma faute, je me le répète depuis hier soir déjà. Il me confirme d’aller porter plainte. Je prends donc mon après-midi pour aller à la gendarmerie.

« Son amie lui demande alors si elle a déjà sucé un garçon. »

En rentrant à la maison, je ne peux m’empêcher de regarder plus attentivement toutes les conversations sur Snapchat. Marie semble communiquer avec des filles plus âgées qui lui ont expliqué comment faire ces vidéos. Et un passage m’affole. L’une d’elles lui raconte qu’elle a des chatons et ma fille, qui adore les chatons, lui demande des photos. Son « amie » lui demande alors si elle a déjà sucé un garçon. Elle lui répond qu’elle ne sait pas ce que cela veut dire. L’autre lui explique. Elle lui dit aussi que si elle veut voir une vidéo des chatons il faut qu’elle se filme en train de sucer son frère.

Plus tard, Marie lui envoie un message vocal lui expliquant qu’elle l’avait fait, mais que son frère n’a pas voulu être filmé. Aussitôt, c’est la crise d’angoisse.  Je pleure, je crie, je cherche de l’aide, et je finis par appeler la pédiatre. Elle est absente, mais sa secrétaire, sentant ma détresse, me demande mes coordonnées pour qu’elle me rappelle.

Dès l’ouverture, me voilà devant la gendarmerie. J’explique brièvement mon histoire et indique que je souhaite porter plainte. L’officier me réprimande immédiatement me rappelant qu’on ne confie pas un smartphone à un enfant de 10 ans. Mais là tout de suite je n’ai pas besoin de jugement. Elle me demande ensuite si j’avais mis en garde ma fille sur l’utilisation du téléphone. Je lui réponds que oui.

« La gendarmerie ne compte plus les histoires comme la nôtre »

Je lui explique alors comment des individus malveillants ont tenté de corrompre ma fille : les photos contre des abonnements, et les directives de ce mystérieux Pablo qui lui aurait demandé de s’enfoncer une brosse à dent électrique (chose qu’elle a refusé de faire m’a-t-elle expliqué plus tard). J’ai même apporté le téléphone pour que les gendarmes l’analysent. Et là, j’éclate en sanglots en indiquant à la gendarme ma crainte que Marie ait fait du mal à son frère. Je lui explique la conversation avec « ces filles ». Sa réponse me scie : elle me demande si je souhaite porter plainte contre ma fille pour le viol de son frère.

Au fil de l’entretien, la gendarme me fait comprendre que ma fille et moi sommes des victimes, et que la gendarmerie ne compte plus les histoires comme la nôtre. Oui, ma fille est victime. Mais moi, je me sens coupable. Elle essaie de me rassurer, de me dire que je suis arrivé à temps, que mon histoire aurait pu être pire.

« As-tu fait du mal à ton frère ? »

En sortant de la gendarmerie, je pars chercher les enfants à l’école. Je suis dans un état second. Marie est la première à sortir. Elle arrive à la voiture avec sa même petite mine du matin. On a 15 minutes seules. Je lui explique que j’ai porté plainte. Elle se met à pleurer, elle a peur de se retrouver en prison et d’être retirée à sa famille. Je tente alors de la rassurer, en lui expliquant qu’elle s’était faite manipuler, qu’elle était victime. Je l’informe également que son père est au courant.

Nous parlons de ces photos qui n’étaient pas « normales ». Et je lui pose la question qui m’obsède : « as-tu fait du mal à ton frère ? » Dans un mouvement d’horreur, elle me jure qu’elle n’a rien fait, qu’elle a fait croire aux autres qu’elle l’avait fait pour obtenir la vidéo de chatons, mais rien de plus.  A la maison, j’interroge mon fils. Surpris et horrifié, il jure à son tour qu’elle ne lui a jamais demandé de faire des choses « bizarres ». Je suis soulagée.

Mon mari arrive. Marie et lui s’ignorent. Elle refuse de parler à son père et lui ne sait pas aborder le sujet. La soirée se passe, comme si de rien n’était. Je m’isole avec Marie. Je la sens soulagée. Nous parlons beaucoup de cette histoire, de son ressenti et du mien. Depuis la sortie de l’école, nous avons beaucoup pleuré. Elle a compris que ces photos et vidéos n’étaient pas normales et que ces « amis virtuels » n’étaient pas des amis. Je lui ai parlé des dangers des réseaux sociaux. Qu’engranger plus d’abonnés et plus de likes ne fait pas d’elle une meilleure personne. Elle m’affirme avoir retenu la leçon et ne plus vouloir de compte sur les réseaux sociaux. Et quand je lui rappelle qu’elle n’est pas près d’obtenir à nouveau un smartphone, elle comprend tout à fait.

« Oui, il a raison. Je sais que tout est de ma faute »

Une fois les enfants couchés, je pleure. Je n’arrive pas à m’arrêter de pleurer. Impuissant, mon mari essaye de me réconforter. Jusqu’à cette phrase : « en même temps, si tu m’avais écouté, on n’en serait pas là ». Oui, il a raison. Je sais que tout est de ma faute.

A part mes collègues, personne n’est au courant. Je continue de travailler. Et quand mes collègues partent déjeuner, je pleure à nouveau.  Je ne mange plus, je dors mal, je pleure dès que je le peux et je suis malade physiquement.

La gendarmerie me contacte régulièrement, car le procureur demande des examens, notamment gynécologiques. Sa demande constitue une source d’angoisse supplémentaire. Comment va le vivre ma fille ? Et pourquoi un tel examen alors qu’il n’y a pas eu de rencontre ? Devant elle, j’essaie de dédramatiser, mais mon cœur saigne.

Marie va bien. Elle joue avec ses « vrais amis », ses frères et sœurs. Elle est joyeuse et vit sa vie de petite fille. Je la sens soulagée d’un poids. Elle est normale et ça me paraît bizarre. A-t-elle conscience de la gravité de cette situation ? La pédiatre m’a rappelé que les enfants n’avaient pas le même regard que nous, adultes. Elle n’aurait probablement pas vu la connotation sexuelle derrière les différentes instructions auxquelles elle a été soumise. J’ai pour ma part le sentiment qu’on a violé virtuellement ma petite fille. Elle s’en veut juste d’avoir publié une photo d’elle, alors que je lui avais demandé de ne pas le faire.

« Marie va bien »

Chaque matin depuis cet épisode, je lui demande si elle dort bien. Et chaque matin, elle me répond qu’elle dort comme un bébé, et s’étonne de ma question.

5 jours plus tard, la vie de famille a repris son cours. Marie va bien. Je le vois, je le sens, mais je n’arrive toujours pas à avaler quoi que ce soit. Je m’aperçois que je fais semblant d’aller bien. Mon mari ne peut s’empêcher de balancer des remarques cinglantes. Il est probablement en colère. Il souffre évidemment autant que moi de cette situation, mais entendre ces réflexions me blesse profondément. Finalement, la plus sage dans l’histoire, c’est sans doute Marie qui, de colère, a pris ma défense : « ce n’est pas de la faute de maman. Elle ne voulait que me faire plaisir. Je n’aurais pas dû faire ça, mais désormais, j’ai tourné la page. » Les enfants ont cette faculté d’avancer que nous, adultes, n’avons pas.

Moi, je culpabilise. Dans ma tête, je me flagelle. Alors, je laisse le temps faire son œuvre en me rappelant le plus important : ma fille va bien. Mes enfants sont saufs.

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